Lettre de Brigitte Dohmen aux parlementaires

Madame, Monsieur,

Suite aux projets de loi concernant l’exercice de la psychologie clinique, de la psychothérapie, de la sexologie et de l’orthopédagogie émis par Madame la Ministre Aelvoet et repris dans les attributions de Monsieur le Ministre Tavernier, de nombreux professionnels de la Santé Mentale se sont mobilisés afin de témoigner de leur réalité clinique et de la spécificité de la profession de psychologue. Plusieurs associations professionnelles vous ont contacté pour dénoncer ces projets qui ne répondent pas à la réalité du terrain.

Par ailleurs, un groupe de représentants des diverses associations professionnelles (APPPSY, PSYCORPS, SBP, IFISAM, FFPP, UCL, ULB) s’est constitué et a rencontré toutes les commissions Santé des différentes formations politiques du pays à l’exception du CVP, par manque d’opportunité, ainsi que des partis extrémistes, par choix politique.

Il ressort de ces contacts que :

1° il y a bien lieu de distinguer la psychologie de sens commun consistant à porter une attention empathique à son patient de la psychologie scientifique s’appuyant sur des théories et des outils éprouvés et validés scientifiquement ;

2° le titre de psychologue est protégé depuis la loi du 8/11/1993, par conséquent, il n’est pas impératif de légiférer en la matière, sous prétexte de protéger le citoyen contre les charlatans. De plus, depuis de nombreuses années, la jurisprudence ne considère plus la psychologie comme de l’exercice illégal de la médecine ;

3° la psychologie clinique ne se résume pas à l’utilisation de tests mais traite du fonctionnement psychique de la personne prise individuellement ou en groupe. A cette fin, elle opère tant sur les processus psychiques que sur le relationnel de manière responsable et autonome ;

4° lorsque que l’évaluation de la situation psychologique établie par le psychologue clinicien ou toute personne formée à cette discipline le requiert, un suivi psychothérapeutique peut être indiqué, celui-ci est du ressort d’un professionnel spécifiquement formé à cet effet. Le seul véritable vide juridique est celui d’une protection du TITRE de psychothérapeute.

Par conséquent, il semble évident que l’exercice de la psychologie clinique et de son champ de spécialisation repose sur un ensemble de connaissances spécifiques qui ne peuvent se résoudre à de la simple bonne volonté ni davantage à un humanisme de bon aloi.

Il est important de savoir que nos démarches sont appuyées par de nombreux psychiatres dont la compétence n’est nullement mentionnée dans les projets de loi ainsi que par les psychologues du pays appartenant tant au nord qu’au sud. On peut affirmer qu’actuellement un front commun de la plupart des psychologues du pays se dégage, à l’exception de la fédération belge des psychologues, qui ne constitue pas une fédération au sens juridique du terme, mais est une asbl, non représentative des acteurs du terrain (elle comprend un pour-cent des psychologues de Belgique et ne fait pas l’unanimité en son sein). Sa position reflète essentiellement l’opinion d’un groupe de comportementalistes néerlandophones attachés à la personne de Monsieur B. Cools, membre du cabinet de Monsieur le Ministre Tavernier.

En réponse à nos démarches informatives, plusieurs formations politiques ont désiré apporter des modifications de fond aux projets, conscientes du besoin de reconnaître une discipline possédant sa méthodologie propre, son domaine de recherche et sa déontologie et qui d’aucune manière ne peut être confondue avec l’art médical et réciproquement !

Dans l’ensemble des propositions qui nous ont été faites, nous accordons une attention toute particulière à l’idée de réunir les professionnels de la Santé Mentale sous un même chapitre (telle que proposée par C. Burgeon et Y. Mayeur), ce qui présente l’avantage d’accréditer ce secteur dans sa spécificité et de rejoindre les réalités du terrain telles qu’elles font déjà l’objet de dispositions légales (cfr les mesures en matière de santé mentale organisée par la communauté bruxelloise, sous l’égide de Monsieur le Ministre Didier Gosuin). La référence explicite au code de déontologie spécifique au psychologue dans la loi nous paraît fondamentale.

Le projet de loi présente de nombreuses incertitudes quant à la qualification exigée de chacun des acteurs de la Santé, notamment au niveau des prérogatives médicales. Il est inconcevable que la psychologie clinique et la psychothérapie puissent être pratiquées par tout médecin quelle que soit sa spécialité quant on sait que leur formation comprend entre 100 et 150 heures de psychologie (selon les universités) pour les 7 années de médecine. Plus de clarté en ce domaine éviterait, dans l’avenir, le recours à la jurisprudence et aux équivoques.

Désireux de bénéficier d’une loi qui reflète la complexité du domaine de la psychologie et de son champ d’application, nous estimons qu’un débat élargi au Sénat permettrait de délibérer en toute démocratie sur un sujet qui, loin d’être banal, engage le bien-être fondamental auquel tout citoyen est en droit de prétendre. La profession de psychologue est en effet une des seules qui cherche à aider l’individu à penser par lui-même.

En espérant que ces précisions trouvent un écho auprès de vous, nous vous prions d’agréer Madame, Monsieur, l’expression de nos salutations distinguées.


Brigitte Dohmen

Licenciée en psychologie
Psychologue clinicienne et psychothérapeute de formation psychanalytique
Expert en psychologie clinique consultée par le cabinet Aelvoet
Membre de la commission d’experts en psychologie clinique de la Fédération Belge des Psychologues
Membre de la commission d’experts en psychothérapie de la Fédération Belge des Psychologues
Membre de la Fédération Belge des Psychologues
Membre de l’Association des Psychologues Praticiens d’orientation psychanalytique
Ex-présidente de l’Ecole Belge de Psychothérapie Analytique à Médiation Corporelle
Membre de l’équipe de psychothérapie périnatale du CHIREC

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