Après-demain, quelle pilule amère ? Carte Blanche de Pascal Graulus

Carte Blanche de notre collègue Pascal Graulus, psychothérapeute, animateur EVRAS à Aimer à l’ULB, Centre de Planning familial laïque.

Journal Le Soir 24/05/2017

Après-demain, quelle pilule amère ?

Mis en ligne le 24/05/2017 à 14:40
Par Pascal Graulus, psychothérapeute, animateur EVRAS à Aimer à l’ULB, Centre de Planning familial laïque.

En réaction aux dernières positions de la Ministre de la Santé en matière de pilule du lendemain, un Centre bruxellois de planning familial affirme sa volonté de continuer à offrir ce service. Au nom du droit des femmes.

On aura tout entendu depuis une semaine du côté de la Ministre Maggie De Block, concernant l’interdiction qu’elle entend faire valoir que des non-médecins délivrent la pilule du lendemain aux femmes le demandant en s’adressant aux Centres de Planning familial.

Quelle est la « méthode » De Block ?

On l’a vue à l’œuvre lorsqu’il s’est agi de Sa loi censée réformer les pratiques de la psychothérapie pour les placer sous le strict contrôle des Bio-pouvoirs médicaux et des découpages largement dictés par les approches de la Evidence-Based Medicine : ne pas écouter, ne pas négocier, mentir à ce propos, inventer des prétextes fallacieux (les fameux charlatans faisant de supposés dégâts), vouloir passer en force. Tout un secteur de professionnels hautement qualifiés opérant avec des standards de qualité élevés s’en est trouvé attaqué et en est inquiet actuellement. Pour la qualité des soins aux patients comme pour la sauvegarde des métiers liés à la psychothérapie.

Pourrait-on parler de « méthode » pour évoquer comment la députée Van Peel (N-VA) s’en est prise au secret professionnel des assistants sociaux en CPAS ? La méthode consiste ici, « encore » serait-on tenté de dire, à renverser complètement la question du droit. Le secret professionnel, dans cette perspective n’est plus une garantie pour les droits de la personne sollicitant un professionnel : il devient un privilège réservé à certains professionnels moins vulnérables que les travailleurs sociaux de CPAS (les juristes, les journalistes, les psychologues), mais tôt ou tard, il pourra se muer en une obligation de délation. En effet, pour revenir à Madame De Block, l’idée d’un dossier-patient unique informatisé constitue une porte ouverte sur les légitimes attentes d’une confidentialité totale garantie au patient.
Bourdes et contresens

Le cas de la pilule du lendemain constitue un nouvel exemple de la « méthode » De Block. Cette dernière entend faire appliquer la Loi, à savoir pas de délivrance de pilule du lendemain hors l’acte d’un médecin en Centre de Planning familial. Depuis une semaine, la Ministre, qui, circonstance aggravante, est médecin, a accumulé les bourdes, les contresens scientifiques, la mauvaise foi, le mépris et le cynisme.

Les avis d’autorités médicales belges et du sacro-saint OMS démentent en effet que la pilule du lendemain soit considérée comme une « bombe hormonale ». Si cette allégation à l’emporte-pièce devait s’avérer exacte, ne faudrait-il d’ailleurs pas immédiatement en interdire la vente libre, hors prescription médicale, dans les officines de pharmacie ?

Il y a plus : un manque total de cohérence. La Ministre sait parfaitement – ou devrait savoir – la qualité du travail autour des droits sexuels et reproductifs mené depuis des dizaines d’années dans les Centres de Planning. Elle sait aussi ce que signifient le travail pluridisciplinaire et le haut niveau de formation de tous les intervenants. Le reconnaître serait évidemment se mettre en porte-à-faux avec sa prise de position. Ce serait attester que son approche témoigne à la fois de maladresse, d’étroitesse d’esprit et de précipitation.
Déni du droit des femmes

A l’heure de la généralisation de l’Education à la Vie Relationnelle Affective et Sexuelle (EVRAS), à l’heure où les recommandations de l’OMS stipulent que : « toutes les femmes et jeunes filles exposées au risque d’une grossesse non désirée ont le droit d’avoir accès à la contraception d’urgence et ces méthodes doivent systématiquement être intégrées dans les programmes nationaux de planification familiale », on ne peut s’indigner sur le cas que la Ministre fait du droit des femmes. Il s’agit d’un déni pur et simple de ce droit, maquillé derrière des arguments d’une légèreté insoutenable. En effet, il ne suffit pas qu’un droit soit déclaré. Encore faut-il pour qu’il soit effectif en garantir l’accessibilité. Tout l’inverse de ce qu’a fait Madame De Block.

Ce qui nous inquiète le plus, pour nos lendemains et nos après-lendemains collectifs, c’est bien cette question des droits effectifs et accessibles. Car c’est bien de cette attaque contre tous les droits constitutifs de notre horizon démocratique que l’on peut redouter que les trois cas de figure que nous avons cités témoignent. Il est bien à craindre que Maggie De Block ne soit que le nom de quelque chose de bien plus large, de bien plus insidieux : la disparition de l’Etat de droit. Or, lorsque la Loi entend se mettre au-dessus des Droits et de l’Ethique, la désobéissance civique devient une nécessité, voire un impératif moral.

Pour l’heure donc, l’indignation est bien présente et nous pousse, travailleurs et administrateurs en Planning familial, comme en d’autres temps (batailles pour le droit à la contraception, à l’IVG), à la désobéissance !

Alors, oui, nous le disons haut et fort : la mise à disposition de la pilule du lendemain restera assurée aux femmes qui le demandent dans les Centres de Planning familial.

Librement.

Gratuitement.

Confidentiellement.

Avec un counselling et une relation d’accueil chaleureux.

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