Loi modifiant le Code d’instruction criminelle en vue de promouvoir la lutte contre le terrorisme (adoptée le 4 mai 2017)

Pour se référer au texte :

http://www.lachambre.be/FLWB/PDF/54/2050/54K2050015.pdf

https://www.dekamer.be/kvvcr/showpage.cfm?section=/none&leftmenu=no&language=fr&cfm=/site/wwwcfm/flwb/flwbn.cfm?lang=F&legislat=54&dossierID=2050

L’Uppsy a soutenu la manifestation devant le Palais de Justice du 16/02/2017 pour défendre le secret professionnel. Elle s’est opposée à ce projet de loi.

Un colloque sur le secret professionnel organisé par l’Apppsy a eu lieu le 6 mai 2017. Les liens audio (ou vidéo) sont accessibles sur ce lien :
http://www.yapaka.be/page/le-secret-professionnel-demantele-les-terroristes-font-ils-la-loi

Communiqué de presse- 2 février 2017- Front peu commun : “Le secret professionnel : une valeur fondamentale des droits sociaux en danger”

Le secret professionnel est une règle d’ordre public qui “tend à protéger la confiance que le citoyen doit nécessairement avoir envers certains confidents”. Des parlementaires fédéraux de la majorité ont déposé en septembre 2016 une proposition de loi visant à lever le secret professionnel des membres du personnel des institutions de sécurité sociale en les contraignant à une obligation de transmission de renseignements demandés par le procureur du Roi et surtout à “une obligation d’information active”, à savoir l’obligation de déclarer au procureur du Roi des informations “pouvant constituer des indices sérieux de l’existence d’une infraction terroriste”.

L’objectif visé est de lutter contre le terrorisme. Le Front peu commun, rassemblant la société civile et des institutions publiques concernées, fait part de son étonnement et de son profond désarroi. En effet, pour lutter contre le terrorisme, il était déjà possible de recourir aux exceptions existantes, comme l’a souligné le Conseil d’Etat. Dans son avis négatif du 29 novembre 2016, ce dernier s’inquiète du caractère vague et général de la formulation de la nouvelle exception et des personnes concernées, qui pourrait avoir pour effet, dit-il, de vider le secret professionnel “et les droits fondamentaux sous-jacents qu’il protège” de sa substance. Force est de constater que les amendements proposés en janvier 2017 par les parlementaires de la majorité ne répondent en rien à cette critique du Conseil d’Etat.

Le principal effet de la réforme proposée – sinon le seul – sera de fragiliser le lien de confiance qui est construit entre les allocataires sociaux et les travailleurs sociaux qui devront, simultanément à leur travail d’aide, vérifier auprès de chaque allocataire social qu’il n’existe pas d’indices sérieux d’une infraction terroriste. Les signataires insistent sur le fait que ce projet se situe en marge du mouvement historique de dépénalisation du droit social. Loin de mener une politique contre le terrorisme réellement efficace, cette proposition malmène les droits sociaux que sont le droit à la sécurité sociale, le droit à l’aide sociale et le droit au respect de la vie privée. En définitive, cette proposition de loi sape le travail social…un peu plus encore qu’il ne l’était déjà.

Le Front peu commun demande aux parlementaires d’analyser en détail les critiques du Conseil d’Etat ainsi que l’avis des trois fédérations des CPAS en date du 5 octobre 2016.
Les signataires demandent aux parlementaires fédéraux de voter contre cette proposition de loi afin de garantir les valeurs fondatrices du travail social.

Le Front peu commun demande également au Parlement de penser à revaloriser le travail social de façon à permettre aux travailleurs sociaux d’accompagner dignement les assurés sociaux et d’assurer leur mission de service public.

*Le Front peu commun rassemble :

La Ligue des droits de l’Homme (LDH), De Liga voor Mensenrechten (LIGA), Le comité de Vigilance en Travail Social (CVTS), La Fédération des CPAS bruxellois, La Fédération des CPAS wallons, Solidaris Mutualité socialiste, La Fédération générale du travail de Belgique (FGTB), La Confédération des syndicats chrétiens (CSC), L’Association de Défense des Allocataires sociaux (l’aDAS), Le Réseau wallon de lutte contre la pauvreté (RWLP), Netwerk tegen Armoede, Le Forum – Bruxelles contre les inégalités, Le Collectif Solidarité contre l’exclusion, Ecole en Colère, La Fédération des services sociaux, le CIRÉ, La fédération wallonne des assistants sociaux de CPASF (Fewasc), MOC Wallonie-Bruxelles.
(au jeudi 16 février 2017)

Lettre ouverte Yvon Englert au premier ministre Charles Michel :

Comme vous le savez la Belgique est en émoi sur la question de la proposition de loi N-VA pour lever le secret professionnel des assistants sociaux travaillant dans les CPAS. Le prétexte derrière cette loi serait de pouvoir aider les forces de l’ordre à mieux enquêter sur le terrorisme. Dans les faits cela revient à toucher à un socle majeur de notre démocratie. Notre Ministre Willy Borsus et d’autres francophones élus soutiennent cette loi. Nous vous partageons la lettre ouverte d’Yvon Englert, le recteur de l’ULB au premier ministre Charles Michel. Cette dérive touchant le secret professionnel des assistants sociaux n’est pas sans rappeler la grave erreur persistant au sein du code de déontologie des psychologues Belges évoquée dans le point 2 de notre newsletter.

http://www.lalibre.be/debats/

Texte de Francis Martens : dérive secret professionnel travailleur social

Voici également un texte écrit par notre collègue psychologue Francis Martens, président de l’APPPsy, sur cette dérive qui touche au fondement de la relation d’aide :

Les terroristes font-ils la loi ?
Le ministre Borsus (MR) a soutenu la proposition N-VA de mise à mal du secret professionnel des travailleurs sociaux. Elle a été adoptée en commission. Mais il faut le savoir : le secret professionnel n’est pas le « secret des professionnels ». Il ne s’agit pas seulement de garantir un cadre d’exercice protégé à des professionnels et à leurs interlocuteurs, dans le contexte de situations délicates : consultation médicale, psychologique, ou entretien avec une(e) assistant(e) social(e), par exemple.

Le secret professionnel est essentiellement une matière de droit public : c’est-à-dire qu’il fait partie des garanties prévues par les pères de la nation pour protéger le cadre démocratique où ils ont voulu inscrire nos institutions. Nous y sommes tellement habitués que tout cela nous paraît naturel et quasiment intangible. Or, pas du tout. Il s’agit d’un édifice fragile qu’il a fallu des siècles pour mener à bien et que quelques mauvaises lois peuvent mettre à mal en un instant. Nous sommes précisément dans ce cas de figure.

Le secret professionnel est assorti de conséquences pénales : toute divulgation intempestive est punie par la loi. Mais dans le courant insidieux où s’inscrit la politique gouvernementale, c’est la « rétention » par un travailleur social d’informations décrétées sensibles qui va être réprimée. Les professionnels les plus vulnérables risquent dès lors de faire du zèle pour se mettre préventivement à l’abri. Cela s’appelle un « effet pervers ».

Les psychologues ne sont plus à l’abri. Début 2014, le cabinet Borsus a introduit dans leur code de déontologie – à l’insu de ses rédacteurs mandatés – une « obligation de dénoncer » à la fois étrangère et contraire à la loi pénale. Malgré la réprobation unanime des juristes du Nord et du Sud du pays, cette « erreur » n’a pas été rectifiée. Début 2017, force est de constater que le code de déontologie officiel des psychologues contrevient toujours à la lettre et à l’esprit de la loi.

Le secret professionnel n’est pas absolu. Il est contrebalancé par une autre loi pénale : celle qui impose l’assistance à personne(s) en danger. Tout professionnel étant d’abord un citoyen, il se voit obligé de mettre en balance les exigences – quelquefois mises en tension – du secret professionnel et celles de l’assistance à personne(s) en danger. Dans quelques circonstances, la révélation de données couvertes par le secret pourra se faire – par exception – sans donner lieu aux conséquences pénales prévues en cas de violation du secret professionnel. Telle est la loi. Elle est parfaitement claire et suffisante. Elle met tout adulte devant ses responsabilités.

Tout autres sont les considérations électoralistes qui, sous prétexte de protéger le citoyen, mettent en réalité les bases mêmes de sa protection en danger — à savoir les garanties démocratiques offertes par la Constitution et les lois. L’angoisse sociétale attisée par l’« Affaire Dutroux » avait déjà donné lieu à quelques dérives démagogiques. Aujourd’hui, sur fond d’angoisse électorale, c’est la crainte du terrorisme qui pourrait amener le législateur à régler son pas sur le chantage de l’« État Islamique » plutôt que sur les valeurs qui fondent notre protection et notre identité.

Derrière la désignation des ennemis, la façade des discours et l’agitation des drapeaux, les toxicités nationalistes se ressemblent. La N-VA joue ici parfaitement son rôle. Mais le MR ? Se considère-t-il encore comme l’héritier de ce Parti Libéral qui, aux commencements de l’État belge, a défendu la démocratie contre tous les obscurantismes ?

Francis Martens
Président de la fédération nationale agréée des
psychologues praticiens d’orientation psychanalytique ( APPPsy )

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